Notre étude ne s’est portée que sur les inkin d’origine chinoise tels qu’on les collectionne et copie au Japon. En Corée cependant ont été et sont encore produits des objets proches par leurs techniques et leur esthétique des inkin chinois et japonais, et que nous devons évoquer.
En Corée, les tissus présentant des motifs en métal précieux apposé à l’aide d’un adhésif sont désignés de manière générale par les termes de bugeum ou de geumbak (littéralement « feuille d’or » ou « coller de l’or »). Les techniques associées à ces termes semblent diverses à la fois quant aux matériaux employés (or ou argent, en feuille ou en poudre) et à la manière de poser la colle (impression au bloc, dessin à main levée…).
Les bugeum sont fabriqués sur la péninsule coréenne depuis la période des Trois royaumes (1e s. av. J.C.- 7e s. ap. J.-C.). Des peintures murales présentes dans les tombes du royaume Goguryeo (37 av. J.-C.- 668 ap. J.-C.), au Nord de la Corée, et figurant des personnes portant des rubans imprimés à l’or en attestent. Plus tardivement, des tissus imprimés à l’or ont été retrouvés dans des tombes bouddhistes datant de la période Goryeo (10e – 14e s.). Pendant la période Joseon (fin 14e – fin 19e s.), les impressions à l’or sont fréquentes sur les costumes de Cour.
Le célèbre kesa dit O-mui, conservé au musée national de Kyoto au Japon, serait d’ailleurs un objet coréen datant de cette période.
Les objets coréens que nous avons eu l’occasion d’observer sont quant à leur aspect assez différents des inkin chinois des périodes Yuan et Ming que l’on retrouve le plus souvent dans les collections japonaises. Alors que ces derniers présentent des motifs imprimés assez épais se détachant de leur fond par un léger relief, et le plus souvent craquelés avec un adhésif brunâtre, les impressions coréennes semblent très fines et plus souples. Plusieurs costumes issus de contextes archéologiques et datés du début du 18e s. (tombe du clan Cheongsong ) et du début du 19e s. (tombe de la princesse Cheongyeongunju) ont été analysés par le Musée national de Corée (1) et par le Musée de l’Université Hanseo (2). Les investigations réalisées au microscope électronique à balayage (MEB), spectrométrie infra-rouge à transformée de Fourier (FT-IR) et fluorescence X (X-RF) se sont concentrées sur les matériaux de support (soie) et la nature du métal (or pur). Aucune information n’est donc donnée sur la nature de l’adhésif mais les photographies au microscope montrent une couche très fine et de couleur claire. Sur le O-mui, l’examen de la technique de décor laisse penser à un dessin réalisé à main levée avec un adhésif très fin et incolore sur lequel a été déposé l’or en poudre.
Aujourd’hui encore les impressions bugeum sont pratiquées par certains artisans qui en perpétuent la tradition. Les objets produits sont imprimés au bloc de bois à l’aide d’une colle de poisson liquide, et la feuille d’or posée à frais. Une vidéo visible sur le net montre un artisan de la famille Gi-ho Kim le pratiquer.
La créatrice de mode Lee Young-hee a consacré une partie de son activité à la reconstitution de costumes de cour de l’époque Joseon (3). Les bugeum y tiennent une place importante.
(1) Hwang-Jo Lee, Koang-Chul Wi, “Non destructive scientific analysis of the gold fabric excavated of Cheongsong Shim’s grave”, in Journal of conservation science, The Korean society of conservation science for cultural heritage, 2022, pp. 243-253.
(2) Seungwon Park, Yoonkyoung Lee, Heisun Yu, “Conservation treatment of Jikgeum and bugeum textiles and costumes from tomb of Cheongyeongunju” , in Conservation science in museum, volume 9, 2008, pp. 67-83.
(3) Voir le catalogue de l’exposition tenue au Musée des arts asiatiques Guimet en 2019-2020, L’étoffe des rêves de Lee Young-hee. Séoul-Paris, coédition MNAAG / Éditions de La Martinière, Paris, 2019.